LE VIBRANT TÉMOIGNAGE DE SOEUR SARA

C'est par Faramans que Sœur Sara a commencé sa tournée en France. La salle du Centre Culturel était comble et les deux heures passées auprès d'elle, vendredi, ont été chargées d'une authentique émotion. Jean Sage, « l'ami Jean », fondateur de l'opération « Orange de Sœur Emmanuelle » avait, pour cette occasion, planifié la fin d'après-midi de sorte qu'aucun moment ne laisse les participants insensibles au message que venait apporter la religieuse.

Sous la direction de Jacques Chambreuil, la chorale Saint Jeannaise « Toile à Voile » (emprunté au nom qui avait été donné à la commune au moment de la Révolution), a amorcé la soirée en exécutant quelques morceaux de son répertoire : Renaud, Brel, mais aussi du classique et du religieux. La dernière partition, héritée du registre arménien, a laissé la part belle à la pianiste du groupe. Chaque mélodie avait été choisie pour que soient évoqués l'amour, la solidarité, la fraternité.

L'ami Jean a consacré la deuxième partie de la soirée à proposer une rétrospective de l'œuvre de Soeur Emmanuelle, vaillamment poursuivie par Soeur Sara. Un montage diapo, puis un film : une interview de Soeur Emmanuelle qui narre son extraordinaire aventure auprès des Chiffonniers du Caire et le legs qu'elle a transmis à Soeur Sara. « Soeur Emmanuelle est venue visiter ma congrégation, raconte cette dernière. Elle avait annoncé sa visite, mais le courrier n'était pas arrivé ; j'étais en train de brosser les escaliers lorsque j'ai été interpellée par une personne qui souhaitait rencontrer la Supérieure. Je me suis présentée (nous n'étions, à ce moment que 8 sœurs dans la congrégation Copte de laquelle je suis issue) » ... de ce premier contact sont nées cette complicité et cette volonté d'œuvrer ensemble. « Soeur Emmanuelle a déclaré : c'est elle que je veux », nous explique Jean Sage.

Soeur Sara, née d'une riche famille égyptienne, a appris le français dans une école religieuse (où, avoue-t-elle, elle était insupportable), a fait des études de commerce, puis d'infirmière, puis d'assistante sociale. Mais elle ne cesse d'étudier la théologie, et c'est en 1973, à 27 ans, qu'elle se dédie à la religion. Trois ans plus tard, elle rejoint les Chiffonniers et « son amie, sa mère » Emmanuelle.

Que de chemin « s » parcourus ensemble, et avec ces hommes, ces femmes et ces enfants de Mokattam ! À leurs côtés, elles ont combattu la misère, la saleté, la maladie, l'indignité dans lesquels ils étaient cloîtrés. Elles – et tous les « Amis » à travers le Monde qu'elles ont réussi à convaincre à leur cause – ont contribué à donner décence et fierté à ces personnes qui, petit à petit ont appris à devenir libres et nobles. L'engagement de Sœur Sara s'est alors concentré sur l'instruction des jeunes filles : elles obtiennent des diplômes universitaires, elles choisissent leur mari (alors qu'elles étaient « troquées » contre quelques chèvres, dès l'âge de 12 ans), elles décident avec leur époux du nombre des enfants qu'ils auront... Combat toujours en cours...

Des nouvelles de Mokattam...

Les nouvelles sont inquiétantes ! Soeur Sara va expliquer comment la soi-disant démocratisation des états musulmans peuvent porter préjudice aux communautés chrétiennes en Égypte.

D'une part, les révoltes contre les pouvoirs en place, vont créer la désaffection touristique : se rendre en Égypte, en ce moment, relève d'une certaine forme d'inconscience, parce que le risque est trop grand de n'y être pas en sécurité. Or les chiffonniers subsistent grâce au retraitement des déchets ; pas de touristes, moins de déchets, moins de revenus...

Cette perte de moyens a non seulement des conséquences sur le quotidien des habitants de Mokattam, mais aussi, et c'est ce que, sans acrimonie, déplore Soeur Sara, sur la scolarisation des enfants. Chaque famille paye la moitié des frais de scolarité et la baisse des effectifs des significative : plus de 100 élèves ont quitté les écoles gérées par la communauté de la religieuse. Ils sont inscrits, bien sûr dans les écoles publiques, mais le niveau est très inférieur à celles de Mokattam, réputées pour la qualité de leurs enseignements.

Il n'est pas que le tourisme défaillant qui provoque la paupérisation des Chiffonniers : pendant l'été 2009, pour de prétendues raisons sanitaires, les 57 000 cochons de Mokattam ont été sauvagement abattus, en quinze jours ! Les chiffonniers ont été ainsi privés de leur principal revenu, et de leur « outil de travail » car ces porcs dévoraient les ordures qu’ils ramassaient dans la ville du Caire.

Et, dernière alarme, et non des moindres... le 7 mars dernier, des affrontements entre chrétiens et musulmans ont provoqué la mort de 13 personnes et blessé 165. « Des jets de pierre entre chrétiens et musulmans, les tanks de l’armée, des coups de fusils en provenance des militaires, de bandits ou de salafistes… Difficile à dire... », explique Soeur Sara avec grande douceur.

Comment soutenir cette action ? On peut trouver toutes les informations nécessaires sur le site de « l'opération Orange de Soeur Emmanuelle » : http://www.operation-orange.org/